L’auteur et interprète français Jean GUIDONI naît le 3 mai 1951 à Toulon. Avec son frère, il est élevé par sa mère et sa grand-mère paternelle car son père est marin et parcourt le monde. Le milieu familial est donc modeste et plutôt féminin en raison de l’absence récurrente du père. Enfant, Jean écoute parfois la radio et, de temps en temps, sa grand-mère l’emmène assister à un concert d’une vedette native de Toulon : Gilbert Bécaud. Adolescent, il apprécie beaucoup les jeunes chanteuses de l’époque comme Sylvie Vartan. Il a quinze ans lorsque ses parents se séparent et il envisage alors de gagner sa vie de manière indépendante. Il obtient un diplôme de coiffure et travaille à Marseille dans un hammam où il côtoie notamment des travestis et des prostituées. L’environnement de plus en plus dangereux du quartier l’amène à quitter la cité phocéenne pour un salon de coiffure parisien. Il y rencontre une personne qui lui parle de musique et de chanson. Il envisage alors de suivre des cours de chant avant d’enregistrer, de manière artisanale, une maquette de trois chansons. Puis il propose le fruit de son travail à Marcel Rothel qui est directeur artistique aux Editions Michel Legrand. La voix plaît et il lui est proposé de pousser plus loin l’expérience de la chanson. Jean Guidoni signe alors un premier contrat discographique qui lui permet d’enregistrer trois chansons qui font partie du concept musical « Paris Populi » créé par Francis Lemarque et Georges Coulonges. Puis vient l’heure de commercialiser son premier 45-tours personnel avec des titres musicalement bien contemporains : « La leçon d’amour » et « Quand tu partiras ».
Au début de l’année 1976, il fait partie des candidats pour la sélection française au concours Eurovision de la Chanson avec « Marie-Valentine ». Mais il ne décroche pas la participation qui revient à Catherine Ferry et « 1, 2, 3 ». Il commence aussi à faire de la scène et assure des levers de rideau pour Gilbert Bécaud, Claude François, Joe Dassin et Gérard Lenorman.
En 1977, Jean Guidoni finalise un premier album qui est commercialisé en juin. Quelques-unes des chansons sont écrites par Jacques Lanzmann, Jean-Pierre Lang et Pierre Grosz. Et Jean a l’occasion de les faire connaître sur scène lors d’une tournée d’été où il effectue la première partie de Marie-Paule Belle et Serge Lama. Cette série de concerts, où il évolue devant des milliers de personnes chaque soir, lui fait prendre conscience de l’importance du métier de chanteur qu’il veut à tout prix exercer. C’est ainsi qu’il commence à écrire ses premiers textes, comme « Nana », qui sont ceux des chansons enregistrées pour son deuxième album qui paraît en 1978. Des paroles, assez sombres, qui ne se mélangent pas trop mal avec celles signées par Didier Barbelivien ou Pierre Delanoë.
Après le succès de la chanson « Nana », Jean Guidoni se sent à la croisée des chemins. Il hésite à poursuivre sa carrière dans le domaine de la chanson de « variétés ». D’autant qu’il découvre toute une série d’artistes ajoutant désormais une dimension théâtrale à la chanson : Anna Prucnal, Michel Hermon ou Ingrid Caven. Il craque littéralement sur le spectacle parisien de cette dernière et prend contact avec celui qui a adapté en français certaines des chansons. C’est le journaliste et cinéaste français Pierre Philippe et il est celui qui va totalement transformer le répertoire de Jean Guidoni. Pour roder un nouveau spectacle plus théâtralisé, le chanteur se produit dans des cabarets parisiens où il fait la rencontre de Catherine Sauvage et de Maurice Fanon qui écrit avec lui la chanson « Y’a un climat ».
La collaboration avec Pierre Philippe commence par des textes de chansons assez extrêmes qui parlent de nécrophilie, de mort ou de sado-masochisme. Jean Guidoni les accepte sans problèmes et demande au compositeur Michel Cywie de les mettre en musique. Avec des arrangements de Benoit Kaufman, l’album « Je marche dans les villes » réussit la gageure de proposer des mélodies accrocheuses aux paroles subversives. Il y a « Chanson pour le cadavre exquis », « Chez Guitte », « Midi-minuit », « Djemila », « La chanson optimiste » et « Viril ».
Renouveler son répertoire ne peut se faire sans apporter du neuf aussi sur scène. Jean Guidoni le fait en novembre 1980 au théâtre en Rond à Paris. Se faisant de plus en plus remarquer par les médias, l’artiste est invité par Jacques Chancel à participer à son émission télévisée « Le grand échiquier ». Le célèbre bandonéoniste argentin Astor Piazzolla est devant son téléviseur et, appréciant le chanteur, il accepte facilement de mettre en musique pour lui deux nouveaux textes de Pierre Philippe : « Tout va bien » et « Masque noir ». En avril 1981, Guidoni est la révélation du cinquième Printemps de Bourges puis, en juin, il triomphe pour la première fois à l’Olympia de Paris. L’artiste nourrit alors le projet d’enregistrer une sorte d’opéra pour un homme seul. Pierre Philippe et Astor Piazzolla se mettent alors au travail pour créer, non sans difficultés, « Crime passionnel ». L’histoire est celle d’un huis clos durant lequel éclate un drame dû à la jalousie. Lors de sa sortie commerciale, l’album propose dix titres parmi les treize qui constituent l’opéra dans son intégralité. Il reçoit le Grand Prix du Disque Audiovisuel Européen. Le spectacle est proposé en septembre 1982 au théâtre des Bouffes du Nord avant d’être présenté dans le cadre du Printemps de Bourges en 1983. Critiqué pour être la nouvel artiste « tendance » de la culture branchée, Jean Guidoni ne sort pas indemne de l’aventure du « Crime passionnel » et il tombe malade.
Avec son acolyte Pierre Philippe, Jean Guidoni va quelque peu édulcorer le contenu de l’album suivant qui a pour titre « Le rouge et le rose ». Le rouge évoque le côté gauchiste de l’artiste qui, face au succès du parti fasciste français Front National, réagit par deux de ses chansons : « Le bon berger » et « Tout va bien ». Quant au rose, il renvoie tout simplement au thème du sexe décliné sous différentes formes. Divers compositeurs ont prêté leur concours à l’élaboration des chansons de cet opus : l’Argentin Carlos d’Alessio, le Grec Yánnis Spanós et le Canadien Lewis Furey. Six mois après la sortie du disque, en novembre 1983, Jean Guidoni est à nouveau sur la scène de l’Olympia de Paris. Deux ans plus tard, le nouvel album s’intitule « Putains… » et il est enregistré dans les célèbres studios du Château d’Hérouville. Il est entièrement consacré au thème de la prostitution. Et il marque aussi un virage très rock dans les compositions dont certaines sont signées par Alain Bashung et Thierry Matioszek. La chanteuse Sapho est aussi présente pour la touche orientale. Mais les textes explicites seront boycottés par les radios généralistes.
Le concert suivant sera présenté par Jean Guidoni au Cirque d’Hiver de Paris. Le torchon brûle entre le parolier Pierre Philippe et le chanteur qui se sépare finalement de lui. Quelques essais peu concluants avec d’autres auteurs l’obligent à se remettre en question et à écrire lui-même les textes d’un futur opéra pour lequel il collabore avec William Sheller. Mais ce projet intitulé « Un train dans la mer » ne verra pas le jour pour des raisons financières. Remercié par sa maison de disques, il pense qu’il faut revenir à plus de simplicité et, peut-être, retrouver les mélodies de ses débuts. Il reprend contact avec le compositeur Michel Cywie et fait la connaissance de Pascal Auriat qui va aussi lui composer une bonne partie des musiques de l’album « Tigre de porcelaine » (1987) qui reçoit le Prix de l’Académie Charles-Cros. Avec une nouvelle firme de disques qui défend cet album à connotation plus « commerciale », Jean Guidoni voit le clip de la chanson « Tramway terminus Nord » être diffusé sur la chaine télé musicale française M6. S’en suivent de nouveaux concerts parisiens dans une nouvelle salle : le Bataclan. En 1988, il interprète « Qui me dira » qui fait partie de la bande originale du film « Itinéraire d’un enfant gâté » de Claude Lelouch. Le titre « Je pourris camarade », sorti en 45-tours, bénéficie de nombreuses diffusions radiophoniques alors que son compositeur, Pascal Auriat, vient de mourir en janvier 1989.
L’année 1989 va être marquée par une nouvelle expérience scénique originale pour l’artiste. A l’Espace européen cette fois, Jean Guidoni se produit accompagné par deux pianistes japonais hors pair. Parmi les chansons de son répertoire, il y en a quelques nouvelles qui rendent hommage au poète Jacques Prévert avec l’autorisation de sa veuve. Le même récital est proposé avec deux musiciens français quelques mois plus tard au Théâtre de la Ville de Paris avant d’être présenté une dernière fois à l’Olympia de Paris en mai 1990. Entretemps, la discographie du chanteur s’enrichit d’un nouveau disque compact car la technologie a évolué et le 33-tours vinyle commence à disparaître des rayons des disquaires. D’une tonalité globalement désenchantée et faisant suite à des moments difficiles pour l’artiste, « Aux tourniquets des grands cafés » est en partie composé par l’ingénieur du son et arrangeur Bernard Estardy et par le chanteur argentin Jaïro en 1990.
L’album « Cas particulier » sort en 1993 et, en juillet 1994, les Francofolies de La Rochelle mettent sur pied une « Fête à Jean Guidoni » avec, notamment, Régine et Catherine Sauvage. Cette année-là, Guidoni recroise la route de Michel Legrand qui va composer mais aussi arranger le disque « Vertigo » (1995) dont il dirige l’orchestre. Le chanteur retrouve aussi Legrand sur la scène du Casino de Paris pour un concert partagé qui ne tient finalement pas ses promesses. A l’aube de l’an 2000, Jean Guidoni retrouve Pierre Philippe avec qui il renoue pour se lancer dans de nouvelles aventures musicales. Le spectacle « Fin de siècle », dont la direction musicale est assurée par Matthieu Gonet, est présenté au Théâtre Silvia-Monfort à Paris. Il s’agit d’une œuvre collective signée par Jean-Claude Vannier, Juliette Noureddine, François Hadji-Lazaro et Romain Didier entre autres. Qui donne lieu à la sortie de deux albums en 1999 et 2000. Jusqu’en 2003, Guidoni reprend, en acoustique, le spectacle « Crime passionnel ». Puis il se sépare à nouveau de Pierre Philippe. Cette séparation annonce à nouveau une modification totale de son environnement musical. Il fait la connaissance de Marie Nimier et de Jean Rouaud, deux écrivains tentés par l’aventure de la chanson. Les titres d’un futur album (« Trapèze » en 2004) sont ébauchés sur les compositions de Daniel Lavoie et d’Edith Fambuena.
Trois ans plus tard, l’album « La pointe rouge » contient des duos avec Dominique A, Jeanne Cherhal, Philippe Katerine et Mathias Malzieu du groupe Dionysos. En 2008, la petite fille de Jacques Prévert, Eugénie, propose à Jean Guidoni de créer tout un album hommage à son grand-père en lui procurant même des textes jamais mis en musique : « Etranges étrangers ». Après ce disque, le chanteur songe sérieusement à arrêter sa carrière de chanteur. Contacté par le producteur Didier Pascalis, Jean se voit proposer une participation dans le spectacle hommage à Allain Leprest, « Où vont les chevaux quand ils dorment ? », aux côtés de Romain Didier et Yves Jamait. Découvrant l’univers d’Allain Leprest, Jean Guidoni travaille sur un nouvel album avec des textes inédits de l’artiste décédé en 2011. Entièrement composé par Romain Didier qui fut le complice musical de Leprest, l’album « Paris-Milan » est bien accueilli par les médias. Requinqué par ces hommages, Jean Guidoni se remet à l’écriture de textes originaux que Didier Pascalis va mettre en musique pour l’album « Légendes urbaines » qui est commercialisé en 2017. Alors qu’il est toujours prêt à raccrocher définitivement, les confinements imposés par la pandémie du coronavirus covid-19 en 2020 lui donnent l’envie de collaborer avec le journaliste Arnaud Bousquet qu’il vient de rencontrer et qui lui écrit les douze chansons de l’album « Avec des si » qui est mis en vente en 2022.
A la fin de l’année 2024, le label EPM Musique publie le coffret « Y’a un climat… » qui regroupe 94 titres enregistrés de 1977 à 2022. C’est aussi l’occasion de trouver, pour la première fois, l’enregistrement de son premier concert à l’Olympia de Paris le 9 juin 1981. En avril 2025, la même firme discographique sort l’album « Eldorado(s) » qui est co-écrit en grande partie avec Arnaud Bousquet et mis en musique par Romain Didier. Le 21 novembre 2025, Jean Guidoni meurt à Bordeaux, à l’âge de 74 ans, d’un cancer du poumon.
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