A l’écoute du nouvel album du guitariste et chanteur Lucien Chéenne, on remonte un peu le temps pour revivre une époque où le mot électro n’existait pas encore. Mais n’allez pas pour autant croire que l’artiste fait dans la musique rétro nostalgique. Bien au contraire car cet opus, qui commence « façon Marc Lavoine » avec un duo interprété avec la Belge Mélanie Isaac (« Hôtel »), est d’emblée d’une sonorité très actuelle. Mais il ne s’agit là que d’une première influence car, tout au long de ce disque intitulé « Larmes au poing », on retrouve aussi un peu de Fred Blondin (souvenez-vous de « Elle allume des bougies » il y a 30 ans) et de plein d’autres artistes français qui se sont promenés entre le rock et le blues : Paul Personne, Benoit Blue Boy, etc. Voilà qui peut paraître étonnant quand l’artiste déclare volontiers trouver ses influences chez Léo Ferré, Michel Tonnerre, Serge Gainsbourg, Nino Ferrer, Bob Dylan ou Johnny Cash…
PARFOIS SOMBRE, TOUJOURS POETIQUE
Si les chansons sont parfois sombres, les textes sont éminemment poétiques et racontent des histoires vécues. Les maîtres, ici, sont à chercher, excusez du peu, du coté de Jack Kerouac, Cécile Coulon, Albert Camus ou David McNeil. « Larmes au poing » raconte quatre années partagées entre un combat de parent, une relation au père et à la paternité, des histoires humaines qui se meurent et d’autres qui naissent. Et la question de l’amour se décline comme celle d’un combat ordinaire et quotidien (« Derrière l’amour », « Crachés dessus » et « Moitié des vacances scolaires »). Car c’est dans le quotidien que se cache la beauté de nos vies.
« Le règlement de comptes » nous plonge dans l’adolescence de l’artiste et nous en dit plus sur sa personnalité. Lucien Chéenne s’y confie plus « poète que violent », préférant « la solitude et la réconciliation » plutôt que « suivre bêtement les autres » vers l’affrontement et le combat.
Quant à la chanson « Nantes », elle raconte le constat doux-amer d’un nouvel arrivant dans la ville. Elle en propose un tour d’horizon situé entre fascination et consternation : « Où est ma place, dans cette ville, dans ta violence ? ». Et elle est portée par une voix qui évoque le rock d’Arno et la poésie de Bashung.
« Larmes au poing » est un album dont les compos se placent totalement dans la lignée des grandes heures du rock romantique français. Il a été écrit et composé pour moitié à Astaffort, avec l’aide de l’équipe de Francis Cabrel. Et, pour l’autre moitié, entre Nantes et Piriac par Lucien Chéenne. Les enregistrements ont été réalisés dans la Sarthe (au Studio la Boîte à Meuh), en home studio en Loire-Atlantique, et à Montreuil (Studio La Kapsule) avec la collaboration de la bande à Vianney. Mais cette diversité ne nuit en rien à l’œuvre qui affiche une cohérence parfaite d’un bout à l’autre des dix chansons. De la belle ouvrage donc pour un disque que je qualifierais de classieux.
LUCIEN CHEENNE EN QUELQUES MOTS
Né au Mans, c’est à l’âge de six ans que Lucien entame des activités musicales en pratiquant le chant grégorien. Puis, dix ans plus tard, c’est grâce à un ami de la famille qu’il découvre l’univers de la musique et de la chanson française avec des artistes comme David McNeil et Michel Tonnerre. Il consacre alors une grande partie de son temps à composer et à écrire. Puis, se sentant prêt à faire connaître sa passion, il part en Bretagne faire la manche sur la côte. Il revient ensuite dans sa région natale pour créer le groupe « Chéenne de vie » qui, pendant cinq ans, va distiller une musique rock en français. Une envie de progresser en solo l’envoie outre-Atlantique, au Québec, où il se retrouve à Tadoussac pour participer à des ateliers d’écriture dans le cadre du prestigieux festival. Son retour en France lui donne l’occasion d’enregistrer un premier album à son nom en 2018 : « Pied tendre ». Le disque est enregistré à Nantes où Lucien jette l’ancre. Il est marqué du sceau country-folk et blues-rock brut. Six ans plus tard, c’est une autre expérience d’écriture, à Astaffort cette fois, qui déclenche l’idée de l’album suivant et actuel : « Larmes au poing ».
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Article rédigé par Daniel Barbieux (Passion Chanson) sur base de l’écoute de l’album et des informations communiquées par Xavier Chezleprêtre (Attitude).