Décès de Jean Vallée : un ami s’en est allé

Jean Vallée en 2012 (c) Passion Chanson

Comme le disait l’inspecteur Javert dont Jean Vallée incarnait le rôle dans « Les misérables » en 1980, « rien n’est jamais tout noir et rien n’est jamais tout blanc ». Il n’y a de définitif que la mort. Celle qui vient vous chercher sans discernement. Sans se soucier de qui elle fauche. Et en feignant d’ignorer qu’elle laissera des veufs, des orphelins et des êtres abandonnés.

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Je suis profondément attristé et désarçonné par le grand départ de Jean Vallée. Je garderai de lui le souvenir d’un homme droit, correct, sympathique, jovial et drôle. Ma mémoire retiendra aussi ces beaux moments de complicité et de joie que j’ai pu connaître lorsque, au début des années 1980, je débarquais sur les plateaux télé belges de « La bonne étoile », émission que Jean présentait, en tant que jeune animateur à la recherche d’interviews. Grâce à Jean, j’ai pu tendre mon micro à des artistes prestigieux et des personnalités comme Enrico Macias, Nicole Croisille, Michel Drucker, Jean-Claude Brialy, Stone et Charden, les frères Préboist et même la toute jeune Mylène Farmer. Avant cela, il y avait eu les palpitations devant la télé familiale un soir de 1978 lorsque Jean Vallée rata de peu la plus haute marche du podium au concours Eurovision de la chanson à Paris en interprétant « L’amour ça fait chanter la vie ». Par la suite, il y a eu ce déjeuner de presse dans un resto de la place de Mons (B) en compagnie de Jean mais aussi de Maurice Barrier et Fabienne Guyon accompagnés de l’attaché de presse Raymond Errera  pour « Les Misérables » mis en scène à Paris par Robert Hossein sur une musique de Claude-Michel Schönberg. Et puis, il y a eu tous ces rendez-vous pour des prestations sur des podiums ou des interviews radiophoniques. Et des coups de fil comme celui qu’il me passa en 2011 pour me parler de l’un de ses concerts de Noël programmé dans la région de Charleroi (B). Pour en arriver à cette ultime rencontre, furtive, à l’issue du concert fantastique qu’il donna à Fleurus (B) le 22 septembre 2012.

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Avec « Des mots simples » placés sur « Toutes les mélodies », Jean Vallée nous a prouvé, « Noblesse oblige », que « L’amour ça fait chanter la vie ».

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Le parcours

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Jean Vallée était né à Verviers le 2 octobre 1939 sous le nom de Paul Goeders. Ses parents, à la tête d’une famille de six enfants, vont l’encourager à devenir professeur de mathématiques. Mais le petit Paul n’est pas un scientifique. Il se sent plutôt l’âme d’un artiste et préfère apprendre, en autodidacte, le piano et la guitare. Ces instruments lui permettent de composer quelques mélodies et, à l’âge de 19 ans, il s’inscrit à un concours de chant qu’il remporte. Alors qu’il se produit de plus en plus dans des petits lieux ou des fêtes scolaires sous le nom de Jean  Vallée, il franchit une sérieuse étape en 1966 en gagnant, avec la chanson « Sur les quais », le Prix du Festival de la Chanson Française de Spa qui se tient à quelques kilomètres de chez lui. La même année, il obtient le prix de la presse au cours de la « Coupe d’Europe du tour de chant » à Knokke (B). En 1967, il part pour le Brésil où il représente la Belgique au Festival de Rio devant Jacques Brel qui se trouve dans le jury. Quelques mois plus tard, il part en tournée en première partie de Salvatore Adamo puis de Juliette Gréco et il enregistre un premier 33 tours. En 1970, il est sélectionné comme le représentant belge au Concours Eurovision de la Chanson. Il y chante « Viens l’oublier » et se classe 6e. Il poursuit alors une carrière de plus en plus marquante en interprétant ses chansons : « Les fous d’amour », « La vague » (reprise par Nana Mouskouri), « Noblesse oblige », « Toutes les mélodies », « Des mots simples » (1975) ou « Divine » (1977). Puis, en 1978, il est à nouveau désigné pour représenter la Belgique au Concours Eurovision de la Chanson à Paris. Il y interprète « L’amour ça fait chanter la vie » et se classe deuxième derrière le groupe israélien d’Izar Cohen qui chante « A ba ni bi ». Aux dires de très nombreux spécialistes, Jean Vallée fut, cette année-là, le vrai vainqueur de l’Eurovision et le succès international rencontré par sa chanson le prouva amplement. Cette reconnaissance soudaine lui permet alors de passer dans le  programme de Nicoletta dans la salle parisienne de Bobino. Il y chante notamment « Paris Basilic ». En 1980, pour le spectacle musical composé par Claude-Michel Schönberg qu’il met en scène d’après Victor Hugo, Robert Hossein fait appel à Jean Vallée pour tenir le rôle de l’inspecteur Javert dans « Les Misérables » au Palais des Sports de Paris. Il y apparaît aux côtés de Maurice Barrier, Rose Laurens, Yvan Dautin, Marie, etc. Un demi million de personnes assisteront aux représentations. Il part ensuite en tournée avec sa compatriote Annie Cordy. Puis, il tente une nouvelle expérience artistique en présentant, pour la télévision belge publique francophone RTBF, une émission de variétés intitulée « La bonne étoile ». Il y reçoit des stars de la chanson, du cinéma et de la télévision : Mylène Farmer, Hervé Vilard, les frères Préboist, Jean-Claude Brialy, Michel Drucker et Adamo en la défunte salle Rinakono de son village natal de Jemappes en 1983. Parallèlement à ses émissions, il connaît ses plus grands succès de chansons après avoir rejoint l’écurie Trema : « Un vieux singe dans un coin de sa tête » ou « Javert t’es amoureux » qu’il a écrit sur base de son expérience dans « Les Misérables ». En 1989, il crée un oratorio  » Brel, un impossible rêve  » qui sera exécuté à Liège. Puis, pendant des années, il se produit dans des cabarets parisiens réputés dont le  » Don Camillo « ,  » La villa d’Este  » ou  » Chez ma cousine « . En 1993, Jean Vallée écrit et compose une chanson biographique pour les soixante ans de Jean-Paul Belmondo. Sept ans plus tard, il propose un spectacle intitulé « Rêves de Noël » avec succès dans les églises de Belgique. En 2002, il enregistre un album de nouvelles chansons : « Air de vie ». En 2004, Jean participe, devant toute la famille royale de Belgique, au spectacle de fin d’année au Palais. Un an plus tard, sa chanson « Je suis Belge » est interprétée par Annie Cordy pour les 175 ans de la Belgique sur la grand place de Bruxelles. En 2008, il participe en direct à l’émission « Tenue de soirée » présentée par son ami Michel Drucker à Bruxelles. Et la même année, il propose un spectacle d’hommage à Jacques Brel. Par la suite, il poursuit ses tournées en alternant les spectacles de Noël et les concerts où il mêle ses chansons personnelles et les succès de Brel. Il est régulièrement accompagné par son fils sur scène au saxophone. Au début du mois de mars 2014, alors qu’il est à Paris, la maladie qui tenaille Jean Vallée s’aggrave subitement. L’artiste demande à rentrer chez lui, dans la maison qu’il aime tant à Thimister (B) où il décède le 12 mars.

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